L’héritage de Michel Pacha : immersion dans l’histoire fascinante de Tamaris La Seyne sur Mer
- Caroline CAMPO
- 19 nov.
- 5 min de lecture
Dernière mise à jour : 6 déc.
Un voyage entre Orient, Méditerranée et pages de roman
Aux origines : Tamaris la Seyne sur mer, un rêve né de la mer

Entre collines, pins parasols et reflets d’argent sur l’eau, Tamaris n’est pas un quartier né au hasard. Il est l’œuvre d’un homme : Michel Pacha, marin visionnaire, bâtisseur infatigable, homme d’affaires à la fortune colossale, mais aussi figure marquée par la tragédie.
À la fin du XIXᵉ siècle, revenu de l’Empire ottoman où il modernise plus de cent phares, il choisit cette baie encore sauvage, marécageuse et isolée, pour y créer une station balnéaire raffinée inspirée de ses souvenirs de Constantinople.
Le résultat ?Un littoral unique en Provence, où se mêlent villas mauresques, influences toscanes, chalets suisses, jardins exotiques, rocailles sculptées… et une lumière qui a inspiré autant les peintres que les écrivains.
Tamaris, c’est un morceau de Méditerranée… avec un parfum d’ailleurs.
Michel Pacha : marin, bâtisseur, mécène
Né à Sanary en 1819, Marius Michel, futur “Pacha”, n’était pas destiné à devenir l’une des figures les plus influentes du littoral varois. Après une carrière militaire marquée par un acte héroïque en Algérie, il devient capitaine au long cours, puis se distingue en Crimée.Sa rencontre avec les autorités ottomanes change sa vie : en 1855, il est nommé directeur général des phares de l’Empire ottoman.
Il supervise la construction ou la rénovation de plus de 111 phares, du détroit des Dardanelles jusqu’aux côtes de la Méditerranée orientale… et c’est ainsi qu’il fait fortune.
En 1879, le sultan Abdülhamid II lui confère le titre de Pacha. En 1882, il devient comte Michel de Pierredon.Un destin exceptionnel.
Et pourtant, sa vie privée reste marquée par de profondes épreuves :
sa fille Amélie se suicide, brisée par une histoire d’amour contrariée,
son fils Alfred est assassiné,
son épouse, déjà meurtrie par ces drames, est elle aussi assassinée au cimetière de Sanary.
Ces blessures n’entament pourtant pas sa volonté de créer, transformer, embellir. Tamaris deviendra son refuge et son ultime chef-d’œuvre.
La naissance de Tamaris La Seyne sur mer : un Orient en Provence

À partir de 1880, Michel Pacha achète près de 60 hectares de pinèdes et de terrains sur le littoral entre Balaguier et Les Sablettes. Là, il imagine une station balnéaire harmonieuse, luxueuse, intime.
Une corniche pensée comme un ruban de mer
Contrairement aux grandes avenues rectilignes parisiennes, Tamaris s’organise autour de courbes souples, épousant parfaitement la forme de la baie. Une conception visionnaire : architecture et paysage deviennent un seul et même mouvement.
Des villas éclectiques et somptueuses
Grâce aux archives et aux travaux de passionnés, on sait que Tamaris comptait :
des villas mauresques aux dômes blancs,
des villas toscanes aux balustres ouvragés,
des chalets suisses aux toits débordants,
des villas méditerranéennes baignées de lumière,
des jardins exotiques avec palmiers rares, araucarias, rosiers orientaux, caryotas, moulins et barques sculptés dans la rocaille.
Parmi les plus célèbres :
la Villa Tamaris-Pacha (1890), monumentale, aujourd’hui un centre d’art contemporain,
le manoir du Manteau, disparu mais dont subsiste le parc botanique,
les bâtiments mauresques du littoral, dont l’actuel Institut Michel Pacha, longtemps siège de recherches scientifiques internationales (Antares, KM3NeT),
la Villa George Sand, hélas rasée en 1975.
Tamaris La Seyne sur Mer devient alors une riviera orientalisante, protégée du mistral, adorée des élites et du monde artistique.

La vie mondaine : Lumière, Eiffel… et les rumeurs salées
À la Belle Époque, Tamaris attire l’élite.On y croise les frères Lumière, Gustave Eiffel, des officiers de marine, des artistes, des scientifiques.
Le casino du Manteau devient le cœur de cette vie mondaine :on y dîne, on y fume, on y danse, on y assiste à des spectacles.
Une rumeur locale raconte même que des Seynois mécontents auraient introduit des fourmis rouges dans les plantations exotiques de Pacha pour le contrarier…Mais selon les archives, ces fourmis venaient en réalité de Turquie, importées avec la végétation.
Une anecdote savoureuse qui illustre les tensions sociales de l’époque entre bourgeois venus en villégiature et monde ouvrier des chantiers navals.
À Tamaris, l’héritage artistique et littéraire a laissé une empreinte profonde… Une ambiance que l’on retrouve encore aujourd’hui dans certains lieux confidentiels, comme Le Bleu de George Sand, niché au cœur de la corniche.

George Sand à Tamaris : l’épisode fondateur

En 1861, bien avant l’âge d’or de Michel Pacha, une femme va donner à Tamaris l’un de ses plus beaux héritages : George Sand.
Une convalescence lumineuse
La romancière, affaiblie par une fièvre typhoïde, séjourne trois mois à la Villa Trucy, une bastide entourée de pins parasols, arbousiers, lauriers et rosiers.Un havre de paix situé… exactement à l’emplacement des actuels Jardins de Sand, là où se trouve ton studio aujourd’hui.
C’est un lien unique, précieux, authentique.
Un Var exploré comme un roman
Infatigable, passionnée de botanique, elle constitue un herbier de 200 espèces. Elle marche jusqu’à :
la presqu’île de Saint-Mandrier,
le Mont Faron,
le Coudon,
Hyères,
Six-Fours et Notre-Dame du Mai,
Ollioules, Solliès-Pont, La Valette…
Elle visite les navires de la rade, rencontre des officiers, observe la vie toulonnaise, flâne au gré de la lumière.
Tamaris : un roman né ici
De ce séjour, elle tire un roman, Tamaris, dans lequel les paysages deviennent véritables personnages :
“Le mistral (…) a l’haleine courte, le cri entrecoupé de hoquets qui arrivent comme des décharges d’artillerie. Le vent d’est (…) apporte au contraire des sanglots d’une douleur inénarrable.”
Ses mots résonnent encore sur la corniche.
Aujourd’hui, en clin d’œil, le roman est disponible dans le studio.Une invitation douce à marcher dans ses pas.
Tamaris aujourd’hui : entre charme naturel et héritage vivant
Si certaines villas ont disparu, Tamaris a conservé son atmosphère singulière :
ses cabanons sur pilotis,
ses producteurs de moules et huîtres,
ses palmiers et jardins exotiques,
ses perspectives sur la grande rade et le Cap Sicié,
sa Villa Tamaris devenue centre d’art.
Une visite guidée pour revivre cette histoire
Pour ceux qui souhaitent aller plus loin, les visites de Martin Grange, guide de l’office du tourisme, sont un incontournable.Mêlant histoire, anecdotes et passion, il redonne vie au Tamaris de la Belle Époque et à ses mille influences. L’inscription est obligatoire à l’Office du Tourisme ou par téléphone au 04 94 07 02 21.
Conclusion : un lieu où l’histoire continue de respirer
Tamaris n’est pas un simple quartier.C’est un paysage façonné par un homme visionnaire, habité par des artistes, traversé par des écrivains, aimé pour sa lumière et sa douceur.
Et aujourd’hui encore, depuis les Jardins de Sand, on peut sentir quelque chose de cette histoire :le souffle du mistral, les parfums de résine, les reflets changeants de la rade…exactement comme les ont connus Michel Pacha et George Sand.

Pour prolonger votre découverte de Tamaris :
Découvrez Le Bleu de George Sand, un studio sur la corniche, imprégné de cette atmosphère si particulière qui fait le charme du quartier.


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